Le système de détente du M1911 est d’une beauté et d’une simplicité sans égal. Il suffit de voir combien d’arme en ont copié le principe, à quelques détails près.
J’ai ce « bête » Colt M1991A1 qui a tiré plus que son lot de cartouches de 9mm. J’ai acheté l’arme d’occasion et elle avait déjà beaucoup souffert, notamment d’une piètre modification au niveau de la pédale de sécurité. Aussi, j’ai dû remplacer le chien et la gâchette de ce pistolet que, simultanément, j’ai configuré en Series 70, en lieu et place des pièces Series 80.
Le mécanisme de détente d’un M1911 fonctionne comme suit :
Une action sur la détente va vaincre la résistance du ressort tri-lames (ce dernier met en tension la gâchette, le séparateur & la pédale de sécurité). En reculant, la détente #3 va provoquer la rotation de la gâchette #5, dégageant ainsi le chien #6 et permettant la percussion de l’amorce. Le séparateur #4 joue l’intermédiaire entre la gâchette et la détente (et empêche l’arme de partir en rafale).
La pédale de sécurité, quant à elle, empêche le chien d’atteindre le combo gâchette/séparateur aussi longtemps qu’elle n’est pas pressée par l’opérateur.
Comme on le voit, la pédale en A n’est pas pressée et l’extrusion empêche la détente de reculer. Une fois la pédale pressée (en B), la rotation de la pédale autour de son axe permet d’exposer une partie chanfreinée et, ainsi, le recul de la détente au moment du tir.
Comme on le voit sur les deux dessins ci-dessus, les tolérances sont extrêmement étroites et la relation entre le chien & la gâchette est très, très ajustées. Il en va du fonctionnement fiable de l’arme et, au-delà de tout, de sa sécurité d’emploi.
Il est très difficile de limer/polir une telle surface tout en conservant les angles de portée définit tels que dans les plans aussi, j’ai acheté à prix d’or (+/-300€ au final, en Belgique) un outil magnifique qui permet de réaliser ce genre de travail : le Power Custom Universal Jig.
On voit, à gauche, une petite roue propre à l’arme sur laquelle le travail est à effectuer. Ici, j’ai la roue pour le M1911 mais d’autres existent. Ainsi qu’une lime extrêmement fine.
J’ai complètement déshabillé mon M1991, afin également de polir la détente, afin qu’elle coulisse sous son propre poids dans son logement. Il est aussi important de s’assurer qu’un chargeur ne gêne pas la détente dans sa course. C’est pourquoi je la vérifie avec et sans chargeur présent dans la carcasse.
La relation entre la gâchette et le chien est loin d’être idéale : les surfaces sont inégales, le chien présente deux grosses bavures…rien d’étonnant à ce que mon départ soit catastrophique !
Le chien, au cran d’armé.
Le chien, au cran de demi-armé. En cas de chute, si le chien saute son cran d’armé, c’est ce cran qui arrêtera le chien dans son mouvement. Ce cran de demi-armé est captif, c’est-à-dire qu’il est impossible de tirer si l’arme est dans cette configuration : il faut manuellement réarmer le chien pour re-tenter un tir.
Le chien, positionné pour la préparation de sa surface d’engagement. Elle doit être d’exactement 90° pour obtenir un fonctionnement sûr et un départ adéquat.
La préparation en cours. Les bavures disparaissent, les surfaces s’égalisent et se redressent. Il faut ne pas aller trop loin : un excès de limage/polissage ruinerait le chien définitivement.
La gâchette comporte deux surfaces à préparer : la surface d’engagement primaire et la secondaire. La primaire doit couvrir +/-60% de la surface totale. Le polissage est extrêmement critique car la longueur totale de la pièce doit être impérativement respectée.
Finalement, je m’occupe du séparateur en polissant soigneusement la surface sur laquelle la détente viendra appuyer.
Je réalise également un petit chanfrein à l’endroit indiqué par la flèche. Lorsqu’un chargeur plein est introduit dans un M1911 en .45ACP, la première cartouche vient parfois appuyer sur ce point. En retirant un tout petit peu de matière, on évite ce frottement.
Plutôt que de réduire les surfaces d’engagement afin de diminuer le poids de départ, je préfère agir sur le ressort tri-lames. En effet, c’est ce ressort qui va déterminer le poids du départ. Comme mentionné précédemment, ce ressort à trois rôles :
-mettre en tension le séparateur
-forcer la détente vers l’avant en poussant sur la gâchette
-pousser la pédale de sécurité vers l’arrière
En diminuant la courbe de la lame de gauche et de la lame centrale, on diminue le poids du départ mais attention à ne pas diminuer excessivement la tension : l’arme pourrait soit partir en rafale, soit pas du tout. J’utilise un peson afin de conserver des valeurs « safe » .
On voit ici le ressort tri-lame pendant la phase d’ajustage. Avec un peu de patience, j’obtiens un résultat que j’apprécie : une détente relativement lourde (si l'on compare à un M1911 de tir de précision) mais très nette, parfaite pour une arme de combat.
Car c’est ainsi que j’aime mon M1991A1 en 9mm.