La Remington 700
Pendant la deuxième guerre mondiale, Remington mis à profit l'arrêt forcé de sa production commerciale pour se lancer dans ce qui fût désigné comme un programme de reconversion & modernisation.
En 1944, le contrat de production des fusils M1903A3/A4 fût terminé et les efforts se portèrent sur le développement d'une nouvelle arme, plutôt que de reprendre la production du 720. L'équipe, dirigée par Mike Walker, se mit au travail dans le but de créer une arme capable de rivaliser avec l'éternel adversaire de Remington, Winchester avec sa M70.
L'éternelle rivale de Remington, la Winchester M70
De l'expérience acquise avec la production du M1903, l'équipe conçut un nouveau système très en avance sur son temps: carcasse cylindrique, culasse usiné, chambre enveloppante ainsi qu'un combiné éjecteur/extracteur interne. Les procédés de fabrication de masse, maîtrisés avec la production du fusil Springfield, furent, dès le début, introduits dans les plans de ce qui allait devenir le 700. Le canon fût le premier barreau produit par la méthode dit du "bouton" introduit sur le marché commercial.
l'action de la 700, la carcasse & son verrou
Le procédé dit du bouton consiste à créer des rayures par l'introduction d'une fraise spécifique (appellée bouton) qui taillera en une seule passe l'entiereté les rayures. Il s'agit d'un procédé extrêmement économique par rapport aux méthodes employées auparavant.une fraise bouton
Le premier de ces nouveaux modèles, le Remington 721, fût mis en production à partir de 1947 mais quelques défauts retardèrent sa production de masse jusqu'en 1948, marquant également l'introduction d'une version "Short Action" désigné 722. Le duo fût une grande réussite commerciale, dépassant de loin les espoirs de Remington.
Remington Model 721
Le seul reproche fait au duo était l'aspect extérieur: fin mais peu élancé, le 721/722 manquait l'allure élégante et la finesse des lignes du Winchester 70. Un discret travail de re-design fût mené par Clark Campbell, créant ainsi le Remington 725 caractérisé par son pontet à la plaque de fond amovible et son verrou légèrement incliné vers l'arrière, donnant ainsi à l'arme un aspect plus sportif.
Le 725 ne fût jamais la réussite commerciale que fûrent les 721/722 et la série entière fût repensée en 1962, rebaptisée 700. Proposés en versions ADL, remplaçant les 721/722 et BDL, qui était la version "deluxe" (crosse en bois noble et la configuration du 725). Les modifications cosmétiques apportées à cette occasion furent très bien accueillies par le marché et l'arme connut un succès étourdissant auprès des utilisateurs privés & officiels.
La Remington Model 725
Le système 700 connut deux révisions ultérieures, en 1968 et 1974, mais qui ne modifièrent que des détails de l'arme, expliqué plus loin.
La chambre du Remington 700 reçoit la cartouche dans une tête de culasse profondément contre-fraisée qui est elle-même hébergée dans un puits réalisé dans le canon; le tout entouré par la carcasse...C'est cette configuration qui est mise en avant par Remington dans ses publicités vantant les "3 anneaux d'acier". Plus important que ces trois anneaux, cette configuration limite fortement la fuite des gaz vers l'arrière de la carcasse en cas de rupture de la douille. Ce concept fît son apparition sur l'Arisaka Type 38 et aussi employé sur les fusils Weatherby.
Les trois anneaux d'acier et l'arrangement général des tenons/extracteur/éjecteur
Le défaut de ce système est le manque de place pour loger l'extracteur, qui se retrouve limité à une taille congrue. Un autre défaut, non des moindres, est de nécessiter une chambre assez courte dans le canon, amenant une cartouche chambrée a dépasser de manière relativement importante par rapport au canon (bien plus que ce que l'on constate sur un Mauser ou un Springfield)...d'où l'importance d'un très bon ajustage du canon à la carcasse en cas de remplacement du tube.
En cas de rupture d'une douille, l’extrémité du verrou se déformera afin de limiter (voir même d'empêcher) toute fuite de gaz vers l'arrière de l'arme et donc, vers le tireur. Cette particularité, dûe à l'ajustage & à la longueur de la tête du verrou, fût une des pierres d'achoppement lors de la conception du 700; la sûreté étant en tête de liste pour les ingénieurs Remington. En contrepartie, l'arme est sensible à l'encrassement (défaut qui sera corrigé sur les M24).
La Remington M24, dans son kit de déployement (très cher)
La fabrication d'une carcasse de Remington 700 se fait à partir d'un barreau d'acier qui sera d'abord tourné avant d'être fraisé. Une fois l’entièreté des opérations d'usinage terminées, la carcasse est trempée et polie avant d'être traités (bleu à chaud ou phosphatation). Pour diminuer les coûts et augmenter la rentabilité, le pad de support de la carcasse est fabriqué à partir d'une plaque d'acier placée en sandwich entre la carcasse et le canon. Ce système, similaire à celui conçut par Savage, est mécaniquement équivalent à un pad forgé.
D'une barre d'acier à une carcasse magnifique, prodige d'ingéniosité
La carcasse cylindrique permet une meilleure distribution des forces dans la crosse. En 1974, la carcasse fût légèrement modifiée en rehaussant les rails d'un peu plus de un mm, ce qui rendit encore un peu plus rigide une carcasse ayant déjà une excellente rigidité.
Le verrou est fabriqué en 5 pièces soudées: le cylindre & la tête sont fraisés à partir d'un barreau tandis que le poignée est produite par injection. Derrière la tête de verrou, une épaisse rondelle d'acier acceuille l'éjecteur et arrête le percuteur. Une épaisse goupille d'acier traverse la tête du verrou et le cylindre de verrou pour les rendre solidaires, même en cas de bris de la soudure. Cette goupille garanti la rotation de la tête du verrou avec le cylindre, même si la rupture de la soudure passe inaperçue du tireur. Le verrou connût deux évolutions, en 1968 et 1974: la première fût une modification des procédés d'usinage et 1974 vît un raccourcissement de la poignée du verrou, diminuant le risque d'un coup de celui-ci au moment du tir avec les calibres les plus puissants.
Les divers composants du verrou d'une Remington 700
Le verrou pivote de 90°, les tenons étant à la verticale une fois en position "verrouillés". Sur ces 90° de rotation, les 30 premiers représentent le jeu longitudinal et l'effort d'extraction initial tandis que les 60 degrés restants représentent l'engagement des tenons dans les mortaises. L'éjecteur interne (similaire à celui d'un M1/M16) permet de conserver un tenon gauche complet, assurant ainsi un parfait équilibre entre les deux grands tenons de dimensions identiques. La poignée de verrou se loge dans un cran usiné dans la carcasse, assurant un tenon de secours en cas de (très gros) problème.
L'extracteur du modèle 700 est directement inspiré du 721 mais, plutôt que d'être clipsé comme sur le modèle original, il est maintenant riveté sur le 700. L'extracteur s'engage au moment où la cartouche prend appui sur la face du verrou, éliminant toute perception pour l'utilisateur. L'extracteur couvre approximativement 1/8ème de la circonférence de la douille et celui-ci est situé à proximité du tenon de verrouillage droit. Cet emplacement garanti une trajectoire d'éjection basse, évitant ainsi le choc d'une douille contre une optique montée près de l'arme.
L'éjecteur est directement copié sur celui du M1 Garand, ce qui permet une fermeture plus complète que sur un système Mauser; mais au détriment d'une extraction/éjection non-contrôlé par le verrou: durant la course arrière du verrou, la douille vide frotte contre l'intérieur du canon & de la carcasse. Une fois ceux-ci dégagé, la douille sera toujours ejectée à la vitesse maximale permise par le ressort de l'éjecteur. De même, au moment de l'introduction de la cartouche de la chambre, la pression exercée par l'éjecteur pourrait conduire à un léger désalignement de la munition par rapport à la chambre...mais seuls les tireurs de benchrest s'en plaindront
En cas de rupture de la douille, deux orifices sont sensés contrôler l'évacuation de la surpression: un situé au niveau de l'anneau carcasse/canon et un autre dans le verrou tandis que l'arrangement du percuteur rend impossible toute expulsion de celui-ci vers l'arrière en cas de catastrophe.
Le bouchon du verrou est fût rallongé de 6mm en 1968 et ce, après l'export du fusil en Australie où l'un des tests du Banc Australien consistait à laisser le percuteur appuyé contre une amorce avant de frapper le bouchon avec un marteau...Pour isoler le percuteur de l'extérieur, le bouchon fût rallongé...ce qui permit au Remington 700 d'atteindre le marché Australien.
Le percuteur est construit en trois pièces, s'inspirant directement de celui du Mauser 98 mais en le simplifiant, diminuant ainsi les coûts de production. Au cours de son histoire, la seule modification fût celle du ressort du Short Action: en 1968, le modèle fût doté d'un ressort plus vigoureux, augmentant d'autant la force de percussion. Le diamètre du ressort ne pouvant être modifié, il se vit simplement rallongé par l'ajout de six spires. Cette modification améliora aussi les performances de l'arme, le lock-time (càd le temps s'écoulant entre l'action sur la détente et le départ du coup) diminuant par la vitesse plus grande acquise par le percuteur sous l'action du nouveau ressort.
Le percuteur du Remington Model 700
En conclusion, le lock-time est le suivant:
Short-action pré-68: 3.0ms
Short action actuelle: 2.6ms
Standard action: 3.0ms
Et voilà ! C'est tout pour cet épisode. Dans le prochain, j'exposerai un peu le système de détente