La conversion des N°4 et N°4(T) au 7.62 OTAN
La couverture du manuel relatif aux armes converties.
Après l’adoption du FAL sous le nom de L1A1, le Ministère de la Défense Britannique se retrouva à la tête d’un stock impressionnant de fusil N°4 de différents modèles tirant la cartouche de .303. Cette cartouche fût déclarée obsolète à la fin des années 1950, après l’adoption générale de la 7.62x51 OTAN.
Les souvenirs de l’été 1940, et particulièrement la pénurie d’armes, étant encore vivaces dans les esprits des dirigeant ; plusieurs programmes d’études furent menés afin de juger de la possibilité de convertir les N°4 au calibre OTAN. Les fusils retenus furent principalement les N°4Mk2, de fabrication plus récente, et furent re-désignés L8A1. Les autres N°4 (MkI, Mk1* et Mk1/2) furent désignés sous les noms de L8A2 à L8A5.
L8A1 : N°4Mk2
L8A2 : N°4Mk1/2
L8A3 : N°4Mk1/3
L8A4: N°4MkI
L8A5 : N°4MkI*
Un L8A1 typique
Les conversions nécessitèrent plusieurs modifications : l’installation de nouveaux canons, de nouvelles têtes de verrou et d’un nouvel extracteur. L’acier employé à l’origine n’étant pas à même de résister à la pression de la cartouche OTAN, le nouveau modèle fût réalisé dans un autre alliage d’acier, contenant plus de carbone. Commencé en 1949, le design final fût consigné en Mai 1956.
Le plan de la nouvelle tête de verrou, éprouvée "19Tons"
La conversion nécessita également l’élargissement du puit du magasin et la fabrication de nouveaux chargeurs. Dans un changement radical du modèle original, l’éjecteur fût déplacé de la carcasse vers le nouveau chargeur. Le nouveau chargeur, réalisé en acier embouti et contenant 10 cartouches du nouveau calibre, porte également l’éjecteur adéquat à la douille OTAN.
Une vue éclatée du nouveau chargeur, le bec formant l'éjecteur clairement visible à l'arrière gauche du chargeur.
De nombreux tests furent réalisés par l’arsenal de Enfield et le design fût scellé en 1963 (dernière date de modification des plans de l’extracteur et du canon). Malheureusement, pour des raisons budgétaires, le programme de conversion « de masse » fût abandonné et, aujourd’hui, les L8 sont devenus exceptionnellement rares même si les kits de conversion existent dans le marché civil.
Le plan du canon qui allait transformer l'honnête N°4 en un fantastique fusil à verrou en 7.62 OTAN.
Lors de différentes compétitions de tir, l’armée Britannique réalisa que le L1A1 n’était pas adapté à ce genre d’exercice de précision et, les stocks de l’ancien calibre diminuant, la décision fût prise d’adopter une arme à verrou employant la cartouche du FAL. Se tournant vers le passé, l’Etat-major adopta le L39A1. Les L39A1 étaient des N°4 Mk2 & Mk1/2 convertis au 7.62x51 par l’installation d’un nouveau canon, d’une nouvelle tête de verrou (et de son extracteur associé) tandis que le fût était réduit de moitié dans sa longueur et que des organes de visée micrométriques étaient installés. Le nouveau chargeur ne fût pas retenu, les règles de compétition anglo-saxonnes ne nécessitant le tir que d’une seule cartouche par chaîne de tir. Parallèlement, l’arsenal de Enfield proposa cette conversion en direction du marché civil, le fusil étant alors désigné 7.62mm Envoy.
Le L39 et son pendant commercial, le Envoy. Ce dernier employait, au contraire du L39, le nouveau chargeur.
Le détail des organes micro-métriques du L39.
Les tests des L8 mirent en avant des capacités simplement exceptionnelles : les N°4 standards, en .303, étaient censés réaliser un groupement de 5 cartouches dans un rectangle de 6x4 pouces à 100 yards, tandis que N°4(T), la version pour tireur d’élite, devait tenir un tir similaire dans un carré de 3 pouces de côté. Les L8 produisirent, en moyenne, des groupements de 10 cartouches dans un carré de 1.5pouce de côté. Le nouveau canon bénéficiant d’un profil plus lourd que l’original, de moyens de production moderne et les ingénieurs de Enfield ayant réalisé un travail époustouflant sur la résonnance harmonique du canon ; point d’orgue de plus de cinquante ans d’expérience dans ce domaine.
Approximativement 10000 canons furent réalisés, la majorité par Enfield (27.4pouces de long et 5 rayures) tandis que Chordal réalisa quelques milliers de canons dotés de 6 rayures.
Après d’intenses tests, de comparaison avec des L1A1 « améliorés », le nouveau fusil passa de son statut de XL42E1 à sa nouvelle désignation de baptême, le L42 et entra en production au début de 1970 à l’arsenal de Enfield. Les N°4(T) formant la colonne vertébrale de cette nouvelle arme. Au contraire des L39A1, les L42 furent équipés des nouveaux chargeurs et l’arme modifiée fût dans les mains des snipers de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté au début des années 1970 et ce, jusqu’en 1992 et son remplacement par le fusil de AI.
Le L42A1, tel qu'illustré dans le très officiel manuel de l'armée Britannique.
Les premières conversions conservèrent les lunettes N°32 équipant, à l’origine, les N°4(T). Si la lunette orignal de l’arme venait à être endommagée, elle était avantageusement remplacée par la N°32 Mk3 dont le réticule correspondait à la courbe balistique de la cartouche OTAN. De nombreuses lunettes Mk3 virent leur marquages modifiés par un « Telescope Straight Sighting L1A1 » et, simultanément, les tambours originaux furent remplacés par un modèle gradué en mètres.
Les conversions furent menées à cadence réduite jusqu’en 1980 et l’arme est aujourd’hui d’une extrême rareté : produite à moins de 1200 exemplaires ; les L42 furent soumis à un usage intensif par une armée Britannique fort active, sur plusieurs théâtres d’opérations. Ce qui explique le nombre insignifiant d’armes aujourd’hui dans les mains des collectionneurs. En 1994, approximativement 400 de ces armes furent revendues pour l’exportation à une société US et les armes disparurent dans des collections privées dont il est extrêmement rare qu’elles sortent.
Un très rare L42A1, appartenant à un chanceux collectionneur outre-Atlantique.