SERVICE PUBLIC FEDERAL JUSTICE
F. 2010 — 3519 [C − 2010/09802]
10 OCTOBRE 2010. — Arrêté royal modifiant l’arrêté royal du
20 septembre 1991 exécutant la Loi sur les armes et l’arrêté royal du
8 août 1994 relatif aux cartes européennes d’armes à feu
RAPPORT AU ROI
Sire,
L’arrêté royal que nous avons l’honneur de soumettre à la signature
de votreMajesté a pour objet principal d’assurer la trac¸abilité des armes
à feu en circulation dans notre pays, telle qu’elle est prescrite par
plusieurs instruments juridiques inter- et supranationaux.
Un de ces instruments est la directive européenne sur les armes
91/477/CEE, modifiée par la directive 2008/51/CE, qui est entrée en
vigueur le 28 juillet 2010. Il en découle que notre pays, afin de satisfaire
à ses obligations internationales, doit prendre le plus rapidement
possible les mesures nécessaires pour régler notamment la trac¸abilité
des armes à feu et la gratuité de la carte européenne des armes à feu. Il
s’agit indiscutablement d’une affaire courante, vu les formalités
préparatoires datant du début de 2010.
Par le présent arrêté, la directive européenne précitée n’est transposée
que partiellement dans le droit belge. Une autre partie importante
était déjà transposée dans la Loi sur les armes même et encore une
autre fait partie des compétences des régions. Pour une transposition
complète au niveau fédéral, il manque encore, comme le Conseil d’Etat
l’a fait remarquer, la reprise de quelques définitions ainsi que le
principe du marquage des munitions, qui devraient se retrouver dans la
Loi sur les armes ou dans la loi de 1888 sur le banc d’épreuves. Une
révision de cette dernière est actuellement en préparation.
Le Conseil consultatif des armes, dans lequel siègent toutes les
parties intéressées, a émis un avis favorable et le projet a été adapté aux
remarques formulées.
Actuellement, les armes à feu en circulation dans notre pays ne sont
trac¸ables que dans une mesure limitée : ce qu’achètent et vendent les
armuriers est enregistré manuellement dans leurs registres et ce qui est
acheté et vendu par des particuliers résidant dans notre pays se
retrouve généralement à la banque de données du Registre central des
armes (RCA). Les obligations internationales auxquelles notre pays
s’est engagé exigent toutefois une trac¸abilité complète des armes à feu
en circulation dans notre pays.
Cela signifie tout d’abord que les armes à feu qui sont mises sur le
marché belge doivent être enregistrées à la source, avant même qu’elles
se retrouvent chez un armurier. Puisque les fabricants et les importateurs
sont déjà obligés de présenter leurs armes pour un contrôle de
qualité (« l’épreuve légale ») auprès du banc d’épreuves des armes à feu
à Liège avant qu’elles ne puissent être mises sur le marché, le banc
d’épreuves s’occupera également de leur premier enregistrement au
RCA (art. 8, alinéa 1er et 2). Le banc d’épreuves se fera rembourser les
frais par les présentateurs, de sorte que cela ne coûte rien à l’Etat.
Des exceptions sont prévues pour les armes à feu en vente libre et
pour les armes à feu destinées à l’exportation, alors que des règles
spéciales s’appliqueront aux armes à feu de seconde main (art. 8,
alinéas 4 et 5).
En ce qui concerne les armes à exporter, l’avis du Conseil d’Etat
contient une remarque critique qui toutefois est basée sur une lecture
erronée de la directive européenne : le fait que l’on se limite à
l’enregistrement des armes qui viendront sur le marché dans notre pays
trouve bien une base dans le texte, à l’article 4.1 qui impose des devoirs
aux Etats membres relatifs aux armes à feu mises sur le marché. Il ne
peut s’agir que de leur propre marché. L’article 4.2 qui concerne toutes
les armes à feu fabriquées, se rapporte au marquage des armes qui est
en tout cas garanti par l’application de numéros de série et d’autres
éléments par les fabricants. L’article 4.4 concerne l’enregistrement de
toutes les armes à feu visées par la directive, c’est-à-dire uniquement les
armes à feu sur le marché belge.
Une autre remarque du Conseil d’Etat concerne la compétence du
directeur du banc d’épreuves de déterminer quelles armes qui ne
doivent pas être éprouvées, doivent quand-même lui être présentées
pour contrôle avant d’être enregistrées. Le texte précise maintenant
qu’il doit faire une appréciation au cas par cas et qu’à cette fin, il se
basera sur sa connaissance du secteur armurier, sur l’historique de
l’armurier importateur des armes, sur le fait que le pays d’origine des
armes est membre ou non du traité dit CIP (et que par conséquent, les
armes sont déjà éprouvées par un banc d’épreuves équivalent étranger),
ou encore sur l’existence d’un document objectif et fiable décrivant
les caractéristiques des armes.
En outre, les ventes par des particuliers à des personnes qui n’ont pas
besoin d’une autorisation, qui ne sont ni chasseur ni tireur sportif et qui
ne tiennent pas de registres, doivent également être enregistrées. Il ne
s’agit que d’un nombre très limité : nous pensons par exemple à la
vente à l’étranger par un ressortissant belge de son arme à un étranger,
ou la vente par un particulier de son arme à un service de l’autorité. Les
particuliers concernés devront « immédiatement » (en principe dans les
huit jours) informer les gouverneurs de ces ventes (art. 3). Si le
gouverneur constate une irrégularité, il la corrigera encore si c’est
possible en conformité avec la réglementation. Dans ce cas, l’enregistrement
ne sera pas remis en cause. Dans l’autre cas, il devra dénoncer
le délit commis.
Une autre affaire administrative qui, notamment en vue d’une
trac¸abilité correcte, nécessite encore une règlementation claire, est celle
des armes et des détenteurs d’armes dont le statut change. Il est prévu
un règlement administratif pour toutes les quatre situations possibles
où des armes ou leurs détenteurs changent de statut légal (art. 5). Ce
règlement est déjà appliqué dans la pratique et ne contient pas de
nouveautés.
Le nouveau paragraphe 3 se rapporte à la situation suivante.
La perte de la qualité de chasseur, de tireur sportif ou de garde
particulier fait en sorte que l’intéressé n’est plus autorisé à bénéficier de
l’exemption de l’obligation d’autorisation dont il bénéficiait sur cette
base. Si l’intéressé souhaite toutefois conserver l’arme concernée, il doit
introduire une demande en vue de l’obtention d’une autorisation de
détention auprès du gouverneur compétent pour son lieu de résidence.
Cela peut se faire soit immédiatement, soit seulement après l’écoulement
de la période de trois ans de détention passive à laquelle il a droit
en application de l’article 13, alinéa 2, de la Loi sur les armes. Si
l’autorisation est délivrée, le document modèle 9 pour cette arme doit
être renvoyé au gouverneur qui adaptera l’enregistrement dans le RCA.
Si l’intéressé ne perd pas sa qualité de chasseur, de tireur sportif ou de
garde particulier, mais s’il y a un intérêt, il lui est également possible de
demander sur une base volontaire une autorisation de détention pour
l’arme concernée, ce selon la même procédure. Cet intérêt peut, par
exemple, consister en la volonté d’un tireur sportif de pouvoir
également utiliser son arme à des fins professionnelles, ou celle d’un
garde particulier de pouvoir également utiliser son arme pour la chasse
ou le tir aux clays.
Le nouveau paragraphe 4 se rapporte à la situation suivante.
L’obtention de la qualité particulière de chasseur, de tireur sportif ou
de garde particulier fait naître la possibilité de pouvoir continuer à
conserver l’arme soumise à autorisation (pour laquelle l’intéressé est
titulaire d’une autorisation de détention) sur la base de cette qualité.
Cela est uniquement possible si l’arme concernée satisfait aux conditions
posées pour la qualité applicable (armes longues autorisées à cette
fin, là où le permis de chasse est valable, armes conc¸ues pour le tir
sportif, …). Le titulaire de l’autorisation en informe le gouverneur
compétent pour son lieu de résidence et lui fournit les justificatifs
nécessaires. Si le gouverneur constate qu’il satisfait à toutes les
conditions, il échange l’autorisation pour un document modèle 9 et
adapte l’enregistrement dans le RCA. La remarque du Conseil d’Etat
que le modèle 9 a été créé pour l’enregistrement de la cession d’une
arme ne porte pas préjudice au fait que ce document existant est le plus
adéquat pour cette situation. Dès lors, par extension, il peut également
être utilisé ici.
Le nouveau paragraphe 5 se rapporte à la situation suivante.
Le détenteur d’une arme en vente libre qu’il souhaite destiner au tir
en dehors de manifestions historiques ou folkloriques demande
préalablement à cet effet une autorisation de détention au gouverneur
compétent pour son lieu de résidence. S’il satisfait à toutes les
conditions et s’il souhaite continuer à détenir l’arme en sa qualité de
chasseur, de tireur sportif ou de garde particulier, il en informe le
gouverneur et lui fournit les justificatifs nécessaires. Si le gouverneur
constate qu’il satisfait à toutes les conditions, il délivre un document
modèle 9 et adapte l’enregistrement dans le RCA. Ce qui a été dit
ci-dessus sur l’utilisation du modèle 9 vaut également ici.
Le nouveau paragraphe 6 se rapporte à la situation suivante.
Le titulaire d’une autorisation de détention d’une arme en vente libre
destinée au tir en dehors de manifestations historiques ou folkloriques
qui ne souhaite plus utiliser cette arme à cette fin ou qui perd sa qualité
de chasseur, de tireur sportif ou de garde particulier peut continuer à
conserver cette arme en vente libre sans pouvoir continuer à l’utiliser
pour le tir sportif. Il en informe le gouverneur compétent pour son lieu
de résidence et lui renvoie l’autorisation ou le document modèle 9. Le
gouverneur adapte l’enregistrement dans le RCA sans toutefois supprimer
l’arme.
Dans le cadre de la directive européenne modifiée en 2008, il faut en
même temps rendre la carte européenne des armes à feu gratuite. Cela
se fait en remplac¸ant l’article qui prévoyait une redevance par l’unique
partie qui doit en être gardée (art. 9). En ce qui concerne la carte
européenne d’armes à feu, il est prévu encore une autre modification
afin de mettre le texte en concordance avec la loi : il n’est en effet plus
question de l’obligation pour les étrangers titulaires de la carte
d’envoyer celle-ci avant leur visite pour un visa (art. 10).
A leur demande, il est donné accès au RCA aux services régionaux
compétents depuis 2003 pour le contrôle des importations et exportations
d’armes. Ainsi, ils seront capables de contrôler eux-mêmes si
quelqu’un qui veut exporter une arme la détient bien de manière légale
(art. 6). Dans ce même article traitant du RCA et suite à la suggestion en
ce sens du Conseil d’Etat, il est stipulé sans équivoque que de chaque
arme à feu sont enregistrées les données nécessaires afin de garantir
une trac¸abilité efficace comme elle est requise par la directive européenne.
Ensuite, l’art. 2 abroge un document devenu obsolète qui, lorsqu’il
n’était pas encore possible d’imposer des mesures de sécurité aux
détenteurs particuliers d’armes, était délivré en même temps que
l’autorisation et qui contenait des conseils à ce sujet.
Enfin, l’article 11 stipule que l’arrêté entre en vigueur le 1er octobre
2010 de sorte qu’il existe suffisamment de clarté quant au moment
où le banc d’épreuves commence à enregistrer. Cependant, les dispositions
favorables au citoyen et n’imposant pas de nouvelles obligations
(les articles 1er, 2, 9 et 10), en particulier la gratuité de la carte
européenne d’armes à feu, sont dotées d’un effet rétroactif jusqu’au jour
de l’entrée en vigueur de la directive européenne.
A l’exception de ce qui a été expliqué ci-dessus, le présent arrêté a été
adapté aux remarques formulées par le Conseil d’Etat dans son
avis 48.502/2/V du 3 août 2010.
Nous avons l’honneur d’être,
Sire,
de Votre Majesté,
les très respectueux
et très fidèles serviteurs,
Le Ministre de la Justice,
S. DE CLERCK
Le Ministre de l’Intérieur,
Mme A. TURTELBOOM