U.S. RIFLE M14 7.62-mm TRW
Le 1er Mai 1957, le Secretary of the Army annonça l’adoption d’un nouveau système d’arme, basé sur la nouvelle cartouche de 7.62mm NATO. Ce système s’articulait autour du combo de la mitrailleuse M60, standardisée peu de temps avant, et du nouveau fusil, le T44E4, rebaptisé M14.
Springfield Armory, alors arsenal fédéral, venait de terminer le « drawing package » du nouveau fusil. Ce pack comprenait l’entièreté des dessins, plans, spécifications et instructions nécessaires à la construction du nouveau fusil. Avec ces plans, l’Army avait procédé aux premières productions de M14, à une échelle limitée.
Une pages des plans de la carcasse du M14
En 1959, les premiers contrats de production civils furent attribués à Winchester-Western Division, ainsi qu’à Harrington & Richardson. Durant la seconde guerre mondiale, Winchester avait produit approximativement un demi-million de fusil M1 Garand, tandis qu’Harrington & Richardson en produisirent autant pendant la « période Coréenne » (1951-1956).
A la fin de la production du Garand, H&R fût désigné dépositaire de l’outillage de production du M1, ce qui permit à la firme de produire le plus rapidement les premiers M14 ; profitant de l’outillage « relativement » similaire à la production du nouveau fusil. Néanmoins, les deux armes étaient suffisamment différentes que pour produire l’apparition de problèmes dans les premières fabrications, engendrant de nombreux retards et délais. Seul Springfield Armory semblait produire ses armes sans difficultés réelles, mais à une échelle relativement limitée, l’Arsenal étant impliqué dans d’autres programmes de grandes ampleurs.
En Juillet 1961, le chef de l’Ordnance, le Général Gisbon demanda une enquête afin de mettre en évidence les problèmes rencontrés par les contractants, et y apporter une réponse efficace. Il ressortit de cette enquête que la majorité de problèmes provenait des trop nombreux changements apportés en cours de production, ainsi que par le changement de spécification des aciers employés pour les carcasses et culasses. Plusieurs jours durant, Harrington & Richardson utilisa un lot d’acier ne répondant pas aux spécifications et, au tir, plusieurs armes furent détruites, et des GI blessés.
Winchester souffrit de problèmes provenant de la nouvelle machinerie employée pour la production des crosses, au design très novateur et véritable rupture technologique mais la direction était optimiste, tandis que les trois fabricants (SA, H&R, Winchester) répondirent favorablement à la question de la production de masse du M14. Soucieux de voir le fusil produit dans les quantités nécessaires à équiper une Army moderne, le Général Gibson ouvrit la production à un quatrième fabricant en Octobre 1961.
Quatre fabricants: Springfield Armory, Harrington & Richardson, Winchester et, enfin, Thompson-Ramo-Woolridge
Thompson-Ramo-Woolridge fut sélectionné et une date limite d’entrée en production fut fixée à Novembre 1962, pour 100000 armes à un cout unitaire de 85.54USD. A cette date, au plus tard, les premiers M14 devaient être produit par la firme nouvellement choisie. Thompson-Ramo-Woolridge, ou TRW, était jusque-là une discrète compagnie. Spécialisée dans la production de pièces de moteur à réaction, elle n’était connue que d’une poignée de spécialistes aéronautiques, tout en étant simultanément leader du marché quant à la fabrication des aubes des compresseurs et turbines de moteur à réaction. Cette production impliquait une excellente connaissance de la métallurgie et des capacités très poussées dans le domaine des contrôles de production, respect des traitements thermiques et suivi des procédés. Aujourd’hui, la compagnie continue à exister, quoiqu’encore plus discrète, produisant des satellites. Sa plus belle réalisation étant la série des sondes Voyager qui sont, aujourd’hui, nos ambassadrices au-delà de notre système solaire et qui assurèrent un flux continu de donnés jusqu’à disparaître au fin fond de l’espace, où nous ne pouvons plus les entendre en raison de l’affaiblissement de leurs générateurs nucléaires.
1962 fût une année de nouveaux contrats pour le M14 : le 28 Septembre, Winchester reçut un contrat de 15.675.000USD pour la production de 150001 exemplaire (104.50USD/pièce), H&R signa pour 75000 armes produites pour 7.320.000USD (97.70USD/pièce) et TRW reçu un contrat de 17.465.000USD pour 219691 M14, soit 79.45 par exemplaire.
Le M14 et sa co-listière, la M60, dans leur habitat naturel, le Vietnam mais, déjà, côtoyés par le M16.
La différence entre les armes produites par, par exemple, Winchester et TRW s’explique par le procédé de production décentralisé adopté par TRW. Plutôt que de fabriquer l’entièreté des composants dans ses propres installations, TRW se concentra sur les composants où leurs connaissances, leurs spécialités pouvaient être le mieux employés, sous-traitant les autres composants auprès d’autres firmes. Au total, 42 compagnies signèrent des contrats de sous-traitance avec la firme aérospatiale. Finalement, TRW produisit 11 composants majeurs de l’arme. Cette production, profitant des dernières avancées de développement du M14, fut la plus rapide et la plus harmonieuse : profitant des leçons tirées des erreurs précédentes, de leur connaissances, et de leur rigoureux procédés de fabrication ; TRW fût le producteur au taux de M14 rejeté le plus faible, avec moins d’un pourcent d’armes présentant un défaut au moment des tirs de contrôle et de fonctionnement, en fin de chaine.
Les 11 pièces fabriquées "in-house" par TRW
Tenue en haut respect par l’Ordnance, TRW recut le seul contrat de production exterieur de M14 National Match. 7609 M14 NM furent fabriqués par la firme de Cleveland, Springfield Armory fabriquant un peu plus de 11000 exemplaires.
Une station de perçage Allen qui, en une seule opération manuelle, réalisait l'entièreté des perçages de la carcasse du M14.
Fabriquer une culasse de M14 consiste à partir d'un seul cylindre d'acier 4140, le forger à chaud et en une série de fraisage d'une précision important, jusqu'à obtenir une pièce parfaitement finie.
Une machine à brocher de type colonial, permettant le travail sur 15 carcasses sans manipulation repetées. Le brochage consiste à enlever une importante quantité de matière à l'aide d'une "broche", sorte de très épaisse scie permettant d'enlever l'acier suivant un profil défini.
Une autre machine à brocher, appartenant à TRW. Cette machine était une des seules au monde à disposer d'une broche aussi longue: 3,65m de long !
Une machine à transfert latéral Krueger. Cette machine permettait la fabrication de deux culasses de M14 simultanément, à un rythme de 190 par heure. Simultanément, un jeu de jauge automatique Sheffield permettait de définir si les culasses fabriquées répondaient aux premières caractéristiques dimensionnelles.
TRW alla jusqu'à développer une machine permettant l'installation automatisé du canon sur la carcasse, résultant en un alignement virtuellement parfait et mécaniquement répétable à l'infini.
TRW fut le seul fabriquant à réaliser un levier de manoeuvre en une seule pièce, tout les autres étant soudés à partir de deux pièces. TRW développa une magnifique procédure d'emboutissage, résultant en un levier très supérieur à la version "deux pièces".
Tout comme la culasse, la carcasse était réalisée à partir d'un cylindre d'acier forgé à chaud avant fraisage, polissage, trempage et phosphatation. Des essais réalisés par l'USMC, il apparait qu'un boitier de M14 peut "encaisser" 400000 cartouches avant de présenter un allongement excessif. Les boitiers TRW testés par l'USMC resistèrent à une séquence incroyable de...450000 cartouches.
La fin de la production du M14 marqua la fin de l’engagement de TRW dans la production d’armes, malgré une tentative désespérée de « sauver les meubles » en convertissant un exemplaire du M14 en 5.56mm, adoptant le chargeur de 20 cartouches du M16. Cette tentative ne rencontra aucun succès, même si l’on peut imaginer cette création comme la genèse de la carabine Ruger Mini-14, qui allait apparaitre quelques dix années plus tard.
A la suite de ce qui était, finalement, une déconvenue de par le raccourcissement considérable du contrat (une production de 6000000 de M14 était envisagée mais s’arrêta après à peine plus d’un million et demi), TRW quitta définitivement le monde de l’armement. Ceci marqua la fin de l’engagement d’une société novatrice, qui retourna à ses premières amours, dans l’aérospatiale.
Un chargeur de M16 installé dans l'hybride crée par TRW, montrant l'insert permettant l'installation du chargeur de 5.56 dans le fusil de 7.62mm.
Le M14 en 5.56 de TRW. Un seul exemplaire restant est connu, dans une collection privée.
La fin de la production des M14 de TRW...prêts à la livraison aux divers dépôts de l'Army.