Durant très longtemps, l'US Ordnance et Colt ont cherché divers procédés permettant de diminuer les couts de production du pistolet M1911 et, ultérieurement, du M1911A1. Un de ces procédés fut de remplacer le bronzage par la phosphatation.
Les avancées en métallurgie permirent de remplacer certaines pièces réalisées précédemment en acier forgé par une pièce coulée et, en 1932, Colt, en collaboration avec Springfield Armory, essaya même de produire quelques sets de carcasses et glissière dans un alliage appelé Brastil. Cet alliage comportait beaucoup de cuivre, d'où la couleur dorée des pièces. Cet essai ne fut guère concluant: les pièces se fissurèrent après à peine quelques centaines de cartouches.
Colt M1911
Pendant la seconde guerre mondiale, diverses pièces furent fabriqués par emboutissage plutôt que par forgeage. Le meilleur exemple est la détente: réalisée précédemment en une seule pièce et assemblées, Ithaca mis au point un procédé de fabrication par emboutissage qui fut approuvé par l'US Ordnance et appliqué par les autres fabricants (Colt, Remington, US&S,...)
Simultanément, des armes fabriquées par des procédés nouveaux faisaient leur apparition: la mitraillette Sten, la US M3, les Stg44 et autre Volkpistolen capturés après la guerre par les puissances Alliés. Du côté US, un pistolet à la diffusion très confidentielle, le FP-45 Liberator avait été fabriqué pour être parachuté aux résistants. La fabrication fut réalisée par Guide Lamp, une filiale de General Motors. Cette filiale produisait également les M3 et M3A1.
Ces armes faisaient appel à un grand nombre d'opérations simples: soudure, emboutissage...et à un nombre minimum de fraisages coûteux en temps, en outillage et en main d'oeuvre.
Mitraillette M3
FP-45 Liberator
Le FP-45 Liberator, destiné aux résistants, était fabriqué à bas coût et était un pistolet de calibre .45ACP à un seul coup, devant permettre à un résistant de tuer un soldat ennemi et de s'emparer de son arme. Cette idée, séduisante et romantique sur le papier, l'était beaucoup moins en réalité: arme à un coup, il pouvait mettre son utilisateur dans une position mortellement dangereuse. Arme à très courte portée de par l'absence de rayures dans le canon, son usage n'était possible qu'aux plus motivés et plus audacieux.
A partir de ce point, deux histoires s'affrontent:
La première voudrait que Guide Lamp aie décidé de construire un successeur au Liberator, sous la forme d'un pistolet semi-automatique s'inspirant librement du M1911 et utilisant le même chargeur. L'arme, réalisée en tôle d'acier embouti, devait permettre une fabrication rapide et relativement peu onéreuse.
La seconde est qu'en 1945, l'US Ordnance capture et analyse plusieurs prototypes de Volkspistole produits par Mauser et Walther. En 1947, l'US Ordnance lance un programme destiné à trouver un remplaçant, plus léger, au déjà vénérable pistolet M1911A1. Colt se lance dans la mise au point d'un pistolet M1911 raccourci, à la carcasse réalisée en alliage d'aluminium ("ColtAlloy") qui deviendra le Colt Commander. Guide Lamp se lancerait dans la mise au point de ce monstre embouti. Au vu du poids de la réalisation, je pense que la première version de l'histoire est plus crédible. Aujourd'hui, la vérité ne peut être que supposée: les documents relatifs aux projets Liberator et suivants sont toujours couverts par le sceau du secret (et bon nombres de documents furent détruits, par mesure de sécurité absolue).
Walther Volkspistole
Voici donc le "clone" de M1911 en acier embouti:
Le M1911 embouti
Comme on peut le voir, cette arme présente des différences fondamentales avec le M1911A1:
-pas de pédale de sécurité
-pas d'arrêtoir de glissière
-pas de levier de sécurité latérale
-un arrêtoir de chargeur placé au bas de la poignée, similaire à un P-38
Une sécurité existait néanmoins sur l'arme sous la forme d'un levier combinant sécurité et cran de mire: il suffisait de basculer celui-ci pour mettre l'arme en position de tir et prendre une ligne de visée.
Approximativement 20 pistolets furent fabriqués mais le poids de l'arme tua le projet dans l'oeuf: presque 50% plus lourd que le M1911, une arme de 1.4kg était inutilisable pour un GI portant l'arme au quotidien. Seulement 900 grammes plus léger que la carabine US M1 et seulement 1600 grammes moins lourd que la mitraillette Sten, le projet disparu dans les oubliettes de l'US Ordnance qui expose aujourd'hui un exemplaire au Springfield Armory Museum et un autre au Rock Island Armory Museum.
L'arme était très économique à produire, ne comportant que quelques pièces usinées: le canon et sa biellette, les goupilles et un morceau de barre d'acier fraisé et goupillé dans la glissière, faisant office de face de culasse.
Une arme intéressante, une curiosité armurière, qui aurait mérité que les archives soient conservées afin de pouvoir étudier sa provenance et son design !